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Mon cochon de blair

Couté, Gaston


Texte de Gaston Couté (vers 1909-1911).


Voici l’roman d’un pauv’ jeune homme
D’un jeune homm’ qui n’est aut’ que moi
Personn’ ne sait comment j’me nomme
Et pourtant je me nomme Eloi.
Je n’sors jamais, je bois à peine,
Je suis sobre comme un chameau,
Mais par suit’ de quel phénomène ? —
J’ai l’nez roug’ comme un coqu’licot.
 
Refrain
Ah mon cochon d’blair !… qui m’a fait tant d’tort
Mais que j’support’rai tout’ mon existence,
Ah mon cochon d’blair !… tu m’dégout’s quand j’pense
Que toi, tu m’plaqu’ras un’ fois que j’s’rai mort.
 
V’nu d’chez moi dans l’but d’fair’ des lettres,
En entrant dans l’mond’ parisien
J’allais me présenter pour être
S’crétair’ d’un académicien :
D’vant mon nez roug’ comm’ sa rosette
Le digne immortel s’écria :
« Oh la la !… c’tte gueul’ !… c’tte binette !… »
Et poliment, me renvoya.
 
Dans les cabarets artistiques,
Au public, j’allais représenter,
Avec, sur mes lèvr’s ironiques,
Des chansons d’actualité ;
Mais m’voyez-vous ? les mains aux poches
Et mon nez au-d’ssus du piano,
Comm’ j’étais frais pour fair’ le r’proche
Au princ’ de Gall’s d’être un poivrot.
 
Dans un théâtre populaire,
Pour y jouer les amoureux,
On m’engagea. Quand j’disais « Chère…
J’brûl !… » J’avais l’nez roug’ comm’ du feu
Et des voyous en bras d’chemise
Du haut du poulailler m’gueulai’nt :
« Bravo pour l’amant d’la marquise
Qu’a pas r’culé d’vant les Anglais ! »
 
Bref, d’un sal’ métier à un aut’e
J’ai gaspillé mes bell’s anné’s
Et tout ça rien que par la faute
D’mon nez, d’mon nez, d’mon fichu nez ;
Il m’a causé bien des déboires
Mais, en ce moment-ci, j’m’en sers
Et j’fais, moi qu’ai jamais pu boire,
Les poivrots, au Café-Concert.