chanson socialiste
1Il m’ont jugé, j’avais la peau noircieIls ont prouvé que c’était par le feu,Et que ma main, par le travail durcie,D’un lourd canon avait poussé l’essieu.Ils déportaient : leur triste comédieFinissait là… C’était l’ordre donné,Et j’ai subi l’infâme parodieDe la justice en képi galonné.(Refrain)Quand pourrai-je revoir le sol de la patrie,Mes frères d’atelier et tous ceux que j’aimais ?Hélas ! l’écho cruel passe au loin et me crie :Jamais !2J’ai vu chez moi se glisser la misère.Dans la douleur Paris se débattait.Chaque matin, pour du pain noir, ma mèrePieds nus, dans l’eau, sans geindre grelottaitOn avait faim, on se serrait le ventre.Contre le froid on luttait à l’envi ;On espérait… Un jour l’étranger rentre,Et mon fusil n’avait jamais servi.(refrain)3C’était trop peu de honte et de souffrance.Des nains, pétris d’un limon inconnu,Nés pour haïr, n’aimant que l’ignorance.Ont insulté le Peuple méconnu :Ils ont raillé l’infortune publique.Par leurs clameurs Paris fut outragé.Il ont voulu tuer la République,Et voilà comme ils m’ont fait insurgé.(refrain)4L’armée avait pour consigne suprêmeDe tuer tout, et l’on fusilla tout.Sur les enfants et sur les femmes mêmeL’on fesait feu, l’on égorgeait partout.Chaque maison d’obus était percée ;Les morts passaient clans de noirs tombereaux.Ils ont enfin tué ma fiancée…Et j’ai visé le cœur de ses bourreaux.(refrain)5Un froid vieillard, sans âme, sans entrailles,Avait conçu toutes ces cruautés.Que tant de deuils, que tant de funéraillesDisent son nom aux fils des déportés !Qu’il soit maudit ! Que l’implacable histoireEn mots de sang grave ce qu’il a fait !Qu’il soit maudit ! Qu’à jamais la mémoireDe nos enfants retienne son forfait !(refrain)
Avril 1876