Dans une sombre prisonAux murailles noirciesDe jeunes prisonniersLentement tournent en rondIls ont la tête basseSous l’habit d’infamieNuméro sur le brasTout comme des forçats.Et moi je me demande ce qu’ils ont bien pu faire :Sont-ce des assassins, des bandits, des vauriensDe ceux qui n’hésitent pas pour vivre à leur manièreÀ tuer pour voler d’honnêtes ouvriers ?J’interroge l’un d’euxUn gars au regard fierI’ m’dit si j’suis iciC’est pour avoir oséCracher à la sale gueuleD’un gradé militairePour ce geste insolentIls m’ont collé cinq ans.Je resterai ici le temps qu’i’ m’reste à fairePlus maltraité qu’un chien, par cette bande de gredinsCes maudits geôliers, bien payés pour nous faireSouffrir et torturer, c’est là leur seul métier.Biribi est tombéSous les coups d’Albert LondresLe bagne a changé de nomIl n’a pas disparuCar il est remplacéPar une maison centraleDont le nom est “Clairvaux”Ce qui veut dire tombeau.Si Albert Londres pouvait visiter les centralesIl écrirait sûrement plus de deux cents romansQui ouvriraient peut-être les yeux fermés de la FranceQui ne s’inquiète guère de ses bagnes militaires.Je termine mon récitLes yeux remplis de larmesEn songeant aux copainsQui sont restés là-hautJe reverrai toujoursComme dans un rêve infâmeLa salle de discipline,Le prétoire, le cachot.Et si la République désire qu’on la défendeNous n’demandons pas mieux mais à une conditionC’est que l’on ne voie plus des garçons de vingt ansMourir dans les bat’s d’Af, victimes du régiment.
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Clairvaux
anonyme
Texte anonyme (≥ 1924).
Biribi » (± bat’s d’Af) est un bagne militaire.
Paru aussi in : Brécy, Robert. — Autour de La Muse rouge : groupe de poètes et chansonniers révolutionnaires, 1901-1939. — Saint-Cyr-sur-Loire : Christian Pirot, 1991. — 254 p. (p. 165).
Record : De la Victoire au front populaire, 1920-1938