Accueil > Chansons > Les Faibles

Les Faibles

Monteil, Jean-Paul


Texte de Jean-Paul Monteil (1925). Musique par Ernest Cloërec-Maupas (1883-1940).


1
Sur notre route nous croisons des gens
dont les figures sont communes.
Leurs esprits nous semblent guindés
Et las comme affaiblis par des lacunes
Courbés ils vont à petits pas
Et l’on ne sait si ce n’est pas
Faiblesse.
Mais ils ne nous émeuvent plus.
Cette attitude de vaincus
Nous blesse.
 
Ce sont les faibles désignés
Les avachis, les dédaignés
— Les indolents rêveurs les neutres
Flétris, courbés et puis busés [?]
Enfin par la vie écrasés —
Ils ont alors devenus pleutres.
 
2
Connaissant avec leurs devoirs
Leurs droits, ils eurent des espoirs
En somme.
Ils crurent pouvoir réussir
Un jour, puis enfin devenir
Des hommes.
Mais le destin mit le hola
Puis impitoyable riva
leurs chaînes.
Lors ils oublièrent leurs vœux
Et, vaincus, cloitrèrent en eux
Leurs peines.
 
Depuis, sans haine et sans désirs,
Sans rechercher joie et plaisir
Ils poursuivent leur triste vie.
Désemparés par la douleur
Ils ont chassé de leurs vieux cœurs
La moindre trace de l’envie.
 
3
Un jour, l’amour sembla pourtant
Offrir à ces gueux tremblotants
Sa grâce.
Mais leur désespoir insensé
Bientôt, finit par effacer
Sa trace.
Le chagrin, la peur, les regrets,
Aujourd’hui, n’ont plus cours auprès
Des femmes.
Autour d’eux est né le mépris
Car aucun être n’a compris
Leurs âmes.
 
Comme étouffés par un linceul
D’angoisse ils sont demeurés seuls
Gâchant leur vie en rêverie.
Quand, lugubre, la mort viendra
Personne ne regrettera
Ces faibles à l’âme meurtrie.
 
4
Ils sont de lamentables gueux
Blêmes, délaissés, loqueteux
Déveine.
Notre secours leur sera doux
Sachons les accueillir chez nous
Sans haine.
Protégeons-les à l’avenir
Et tâchons enfin d’adoucir
Leur peine.
Faisons naître en eux la gaîté
Prodiguons-leur notre bonté
Sereine.
 
L’ardeur de vivre renaîtra
Bientôt, la volonté vaincra
Leur stérile et morne faiblesse.
Lors, nous verrons au fond du cœur
Naître, viril, un doux bonheur
Sur les cendres de leur détresse.

Chanson « Les Faibles » de Jean-Paul Monteil, musique d’Ernest Cloërec-Maupas (La Muse rouge, 1925)

Publié aussi dans la revue La Muse rouge : nouvelle série, nº 3 [sept. 1925].

Paru aussi in :
Pirot, Christian (éd.). — Eugène Bizeau a 100 ans : chansons et poésie / présentation Robert Brécy. — Saint-Cyr-sur-Loire : Christian Pirot, 1983 (p. 159).