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On les prend à la misère
Et l’on en fait des soldats
Dont la mort est nécessaire
Pour que vivent les États !
Sans voir la supercherie,
Aux roulements des tambours
Ils vont a la boucherie…
Pour engraisser les vautours !2
Il n’ont de bien sur la terre
Que leur misérable peau,
Et le rêve involontaire
D’en faire un vivant drapeau.
Leur droit, c’est d’aller sans trêve…
Et d’être aux plus mauvais jours
La chair qui pantelle et crève
Pour engraisser les vautours !3
Ils ont des enfants, des femmes,
De vieilles mamans, des sœurs,
Et cela jette en leurs âmes
Des chagrins envahisseurs…
Quelques-uns voient dans le crime
Dépouillé de ses atours,
Que le canon les supprime
Pour engraisser les vautours !4
Entre le peuple et la foule
Qui pousse un cri menaçant,
Tout l’homme aujourd’hui s’écroule
Et patauge dans le sang.
Et ceux qu’enflammaient naguère
Les orateurs de faubourgs,
Bon gré, mal gré font la guerre
Pour engraisser les vautours !5
Partout le dieu des batailles
Répand ses appels de mort
Et fauche à coup de mitraille
L’enfant qui grandit encor…
Avant que la paix renaisse,
Il faut s’égorger toujours
Et massacrer la jeunesse
Pour engraisser les vautours !6
Il faut la force nouvelle,
Il faut le cœur ingénu
Et la tête « sans cervelle »
Du conscrit dernier venu…
Il faut la terre inféconde,
Sans fleurs. sans nids, sans amours,
Et tout l’espoir du vieux monde
Pour engraisser les vautours !
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Les Sacrifiés
Bizeau, Eugène
Texte d’Eugène Bizeau (1922). Musique par Chantegrelet.
Paru dans La Muse rouge en 1922.
Paru aussi in :
Bizeau, Eugène. — Eugène Bizeau a 100 ans : chansons et poésie / éd. Christian Pirot ; présentation Robert Brécy. — Saint-Cyr-sur-Loire : Christian Pirot, 1983 (p. 115).