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J’ai trop vécu…

Bizeau, Eugène


Texte d’Eugène Bizeau. Musique (1918-1919) par Georges Isabelli [Georges Dominique “Delmas” (....-1942)].


1
J’ai trop vécu, puisque j’ai vu la foule
Benir le nom des meurtriers fameux,
Et s’enivrer, comme une horrible goule
Sur les charniers où sont tombés les gueux.
J’ai trop vécu, puisque j’ai vu les fêtes
Où l’on dansait sur des cadavres chauds.
Quand des penseurs, traqués comme des bêtes,
Agonisaient au fond de leurs cachots !
 
(Refrain)
J’ai trop vécu dans l’ombre de la terre
Pour attendre du ciel un rayon de clarté :
J’ai trop vécu, puisque j’ai vu la guerre…
Quand je rêvais d’amour et de fraternité !
 
2
J’ai trop vécu, puisque j’ai vu la ronde
Dont les puissants font suivre leur festin…
Puisque j’ai vu leur pourriture immonde
Boire du sang comme on boirait du vin !
J’ai trop vécu, puisque j’ai vu la poudre
Anéantir les forces de progrès,
En écrasant, tels des grains qu’on veut moudre,
Les esprits fiers que nous avons pleurés.
 
(refrain
 
3
J’ai trop vécu, puisque j’ai vu les hommes
S’entrégorger comme des fous cruels,
Pour déplacer les bornes des royaumes
Et redorer les croix et les Autels…
J’ai trop vécu, puisque j’ai vu des êtres
Tirer parti du sacrifice humain…
Et se flatter d’être aujourd’hui nos maîtres
Avec le fouet qu’ils ont encore en main !
 
(refrain

Paru aussi in :
Bizeau, Eugène. — Eugène Bizeau a 100 ans : chansons et poésie / éd. Christian Pirot ; présentation Robert Brécy. — Saint-Cyr-sur-Loire : Christian Pirot, 1983 (p. 123).