Maternité

1

Ayant tenté par d’adroits subterfuges

De se soustraire à la maternité,

Une humble femme était devant ses juges

Qui la blâmaient avec sévérité.

Le président lui dit avec rudesse

De votre crime expliquez la raison,

Pitié, messieurs, répondit la pauvresse

Le pain manque souvent, hélas, à la maison.

 

(Refrain)

Je n’ai pas voulu mettre au monde

Pour faire un malheureux de plus

Un de ceux dont l’espèce abonde

Je n’ai point regret au surplus,

De vos propos faites-nous trêve,

Fit le juge en haussant le ton

Et la cour d’une entente brève

Condamna la coupable à deux ans de prison.

 

2

Six mois après qu’elle était détenue

À saint-Lazare un jour elle accoucha

D’un gros garçon que sitôt sa venue

À son amour de mère on arracha.

Pauvre petit ! l’assistance publique

Le gangréna jusqu’à ses quatorze ans

Puis, à cet âge, on le mit domestique

Chez de riches fermiers, véritables tyrans.

 

(Refrain)

Couché sur sa dure paillasse

Tous les jours, il réfléchissait

Aux moyens de fuir de sa place

C’était l’argent qui lui maquait.

Mais un jour, las de sa souffrance

Il s’enfuit sans un traître sou

Voilà l’œuvre de l’Assistance :

D’un gâs sain qu’on lui donne

Elle fait un voyou.

 

3

Dix ans après, devant la Cour d’Assises,

D’abord voleur, puis ensuite assassin

Passe un gavroche, et comble de surprise,

C’est la bâtard maudit par le destin.

Le président, fait extraordinaire,

Est celui-là qui, vingt-quatre ans plus tôt

À mettre au jour le fils, força la mère

Et le fait aujourd’hui monter à l’échafaud !

 

(Refrain)

Le loi prétend punir les crimes

En frappant leurs auteurs de mort

Au lieu de venger les victimes

Qu’elle les épargne d’abord,

En laissant dès lors à la mère

Le libre arbitre d’enfanter

Vous éviterez la misère

Et par là même aussi le fait d’assassiner.