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La Mort d’un brave

Riemer, Henri


Texte d’Henri Riemer (1889 ?). Musique par François Brunel.


(Refrain)
Et ses lèvres, tout bas, bien bas,
Semblaient murmurer dans un rêve :
« Faudrait-il qu’en lâche, je crève ?
« De cette mort, je n’en veux pas !
« Je n’en veux pas ! »
 
1
C’était un jour sombre et brumeux
Décembre, d’un linceul de glace,
Enveloppait les pauvres gueux,
Qui sous les ponts, cherchaient leur place ;
Seul, un vieillard tout grisonnant,
S’en allait la tête penchée.
Tout comme un spectre, s’inclinant
Vers la fasse qu’il a creusée.
 
2
Il marchait, d’un pas chancelant,
À travers la foule joyeuse
Qui préparait le nouvel an,
Sans souci, de sa face creuse ;
Tout à coup son regard, brilla
D’une flamme vive et soudaine,
Qui reflétait du vieux paria,
La terrible et puissante haine.
 
3
C’est qu’il venait d’apercevoir
Le riche équipage d’un maître
Dont les laquais, en habit noir,
Attendraient qu’il voulut paraître ;
Alors, s’avançant, en badaud,
Tout près de la porte cochère,
Il s’accouda, fier, le front haut,
Semblant contenir sa colère.
 
4
Bientôt, apparut sur le seuil,
Un bourgeois à la mine altière,
Dont,l’allure, pleine d’orgueil,
Insultait sa noire misère ;
Soudain, le vieillard s’élança,
Et d’une main bien assurée,
Saisit sa gorge et lui planta
Son couteau, jusqu’à la poignée.
 
5
les deux corps s’étaient affaissés,
Et, dans une suprême étreinte,
Les mourants gisaient enlacés,
L’un grimaçant, l’autre sans plainte ;
Mais les laquais, tout furieux,
Frappaient le vieux de leurs cravaches,
Qui se dressa, l’air radieux,
Puis, par trois fois, leur cria : « lâches ! »
 
(Refrain final)
Et ses lèvres disaient tout bas,
Dans l’extase d’un dernier rêve
« C’est ainsi qu’un vagabond crève,
« Vivre soumis, je n’en veux pas !
« Je n’en veux pas ! »

paris : impr. Brunel, [1889 ?].

Paru aussi in : Manfredonia, Gaetano. — Libres ! Toujours… : anthologie de la chanson et de la poésie anarchistes au XIXe siècle. — Lyon : Atelier de création libertaire, 2011 (p. 101).