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Les Pieds plats

Jahn, Octave


Texte d’octave Jahn (1891). Sur l’air : « L’Enterrement » ; variante sur l’air : « C’est nous qu’est les Dos ».


version sur l’air « L’Enterrrement »

1
C’est aujourd’hui qu’il faut quitter
L’bistrot qui donne à croustiller.
Depuis hier, pour la tribu,
Non, non, de crédit y n’veut plus ;
Pourtant personn’ ne s’en plaignait :
L’vin était bon, l’pain était frais,
Il avait d’excellents gigots !
Moi, j’gobais bien ses jambonneaux
 
(Refrain)
Y’n’veut plus rien savoir du tout,
Trou la laï tou trou la laï tou,
Yn’veut mêm’ pas qu’nous lui causions,
Et zon zon zon ;
En vl’a z’encor un d’empilé,
Gai gai gai lariradondé,
Qui s’souviendra des Pieds-Plats,
Larifla fla fla.
 
2
Depuis six s’main’s qu’on y bouffait,
Comm’ chez Gamet on rigolait,
Après avoir bu le café
On se mettait à discuter ;
(Quand on discute on boit beaucoup,)
On s’fait v’nir des litr’ coup sur coup,
Mais l’bistrot n’voyant pas d’argent,
Se dit : C’est tout d’même épatant :
 
(Refrain)
Je n’y ai pas d’bénéfic’ du tout,
Trou la laï tou trou la laï tou,
Ils aval’raient bien la maison,
Et zon, zon, zon ;
Je crois que j’me fait empiler,
Gai gai gai lariradondé,
Qué crapul’s que ces Pieds-Plats
Larifla fla fla.
 
3
Enfin, il faut s’en consoler,
Ça n’pouvait pas toujour durer,
Nous l’avons fait sauter d’mill’francs,
Ben, ma foi, c’est toujours autant
Si les ceuss’ qui n’ont pas d’turbin
Faisaient comm’ nous, tout irait bien,
Et les bourgeois et les bistrots
N’f’raient plus crever d’faim l’populo.
 
(Refrain)
Quand y’aura des Pieds-Plats partout,
Trou la laï tou trou la laï tou,
Ce jour-là la Révolution
Et zon, zon, zon,
Supprimant la Propriété,
Gai gai gai lariradondé,
Glorifi’ra les Pieds-Plats
Larifla fla fla.

variante sur l’air « C’est nous qu’est les Dos »

1
Les peuples du nouveau monde
S’divisnt par tribus :
Y’a la tribu des têt’s rondes,
Cell’ des pieds tordus ;
Il en existe une en France
Dont on parlera,
Elle est pleine d’espérance.
C’est cell’ des Pieds-Plats (bis)
 
2
Les Pieds-Plats ont leur histoire,
Pour leur premier trait :
Ils empiler’nt, c’est notoire,
Un grand mastroquet ;
L’bistrot avait l’ait bonnasse,
On le régala ;
D’café il buvait des tasses
Su’ l’compt’ des Pieds-Plats.
 
3
Mais l’plus drôl’ de l’aventure,
C’est qu’on le mena
À l’Hôtel d’ville en voiture
Puis on l’présenta
Au Conseil municipal
Qui d’suit’ lui vota
Un r’merci’ment général
Au nom des Pieds-Plats.
 
4
Les Pieds-¨lats n’gonfl’ pas la poche
De leurs proprios ;
Ils déménag’ à la cloche
Leurs meubl’s sur le dos ;
Et si la pip’let’ rechigne,
De suite on l’assoit
Gare aux parias de la guigne :
C’est nous les Pieds-Plats.

chanson Les Pieds plats d’OCtave Jahn, in : Le Pot à colle, n° 9 (31 octobre 1891)

Si pied-plat veut dire policier dans l’argot des gendarmes, il signifie aussi le manque de courage ou l’individu inculte, de basse extraction (trop pauvre pour avoir des talons à ses chaussures), le goujat, et ici : celui qui traine les pieds pour payer.

Pipelet/pipelette, synonyme de concierge d’après le nom d’un personnage dans Les Mystères de Paris (1842-1843) d’Eugène Sue.


Paru in : Le Pot à colle, n° 9 (31 octobre 1891)

Paru dans la série à « cinq centimes » sans musique de François Brunet (Paris, 1892 ?).

Paru aussi in : Manfredonia, Gaetano. — Libres ! Toujours… : anthologie de la chanson et de la poésie anarchistes au XIXe siècle. — Lyon : Atelier de création libertaire, 2011 (p. 99).