Aux mères de famille.
1Ça va venir dans la semaine,J’ai mal dans les reins et partout,Sans espoir tu meurs à la peine,Et quand à moi, je suis à bout.Nous sommes déjà six à tableÀ vivre sur tes quatre francs,Allons, mon vieux, sois raisonnable,2Vois-tu ceux qui courbent l’échineSont d’une lâcheté sans nom :Ils font de la chair à machine,Ils font de la chair à canon,Et l’un et l’autre, c’est tout comme,J’en frémis pour nos innocents.Allons, mon vieux, faut être un homme,Ne me fais plus d’enfants.3C’est bien joli, quand on nous chante :La France a besoin de soldats !Oui, mais quand la famille augmente,Les salaires n’augmentent pas.Et si l’on va crier misère,On nous flanque très bien dedans.Allons, mon vieux, du caractère,Ne me fais plus d’enfants.4Quand on songe que la marmailleNe demande pas à venir,Faudrait pourtant, quand on travaille,Gagner au moins pour la nourrir.Mais le pauvre, est-ce que ça comptePour les gros et les fainéants ?Allons, mon vieux, c’est une honte,Ne me fais plus d’enfants.5Quand tu m’apportes ta quinzaineEt que je paye un peu partout,C’est toujours la même rengaine,Il ne nous reste rien du tout.Ah ! j’en ai par-dessus la tête,Et je n’en veux plus là-dedans !Allons, mon vieux, c’est par trop bête,Ne me fais plus d’enfants.6Nous aurons beau nous mettre en quatreNous serons toujours malheureux.Je crois bien qu’il faudra se battre,Si l’on veut que ça marche mieux.Oh ! ce jour-là, je suis les braves,Et j’emmène tous nos enfants !Allons, mon vieux, assez d’esclaves,Ne me fais plus d’enfants.