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Claude Gueux

Devenancourt, Léo


Texte de Léo Devenancourt (≤1890).


À l’aurore, de sa mansarde
Il est parti, seul, sans espoir,
Sur la grand’ route il se hasarde
Où-donc ? Où sera-t-il ce soir ?
Il va toujours ; le vent fait rage
Sous son souffle l’ouragan croît,
L’eau tombe à flots, c’est un orage…
— Et Claude Gueux n’a plus de toit !
 
Il a bien faim, car sur la route
Les pièces d’or ne poussent pas ;
Dans son bissac ni sou, ni croûte…
Il ne trouve rien sous ses pas !…
Il marche, la faim le tourmente,
Mais il est bien long le chemin,
Et toujours sa torture augmente…
— Car Claude Gueux n’a plus de pain !
 
Lourdement va le misérable
Mâchant les racines des bois,
Car pas une âme charitable
Ne le secourut une fois.
Maudissant son sort, pauvre hère…
Ses pieds rougissent les sentiers,
La marque reste à chaque pierre…
— Claude Gueux n’a plus de souliers !
 
Sombre, il s’asseoit sur une borne,
Que lui fait le printemps joyeux ?
Mais il reste seul et l’œil morne,
Phœbus en vain jette ses feux.
Il n’entend pas la villanelle
Des oiseaux, ni le ris moqueur
De la coquette jouvencelle…
-- Car Claude Gueux n’a plus de cœur !
 
 
Quel est ce bruit ? — C’est la canaille
Se levant ; tous les ventres creux
S’unissant pour livrer bataille,
Criant à tous : « Mort aux heureux ! »
-- Allons, lève-toi, prolétaire !
Ton nom fait trembler le voleur,
Celui qui causa la misère…
Claude Gueux ! venge ta douleur !

Paru dans L’Attaque : organe hebdomadaire anarchiste (1888-1890), nº 58 (1er-8 février 1890).