Accueil > Chansons > Anarchie

Anarchie

Percheron, Auguste


Texte d’Auguste Percheron (≤1889).


Sans soucis de nos lendemains,
En tirailleurs à l’aventure,
À la Société future
Nous frayons de larges chemins ;
Et, nouvelle iconomachie.
À travers la foule avachie
En troupe, jamais en troupeau
Nous allons sans chef, sans drapeau,
À l’anarchie !
 
Oui, nous sommes les francs-routiers,
Les loqueteux que la misère
N’a pas pourris, mais qu’elle enserre
Et nous venons, nous héritiers
Des martyrs perclus des géhennes
Semer les colères prochaines.
Les cupides sociétés
Font de nous des déshérités.
Faisons des haines !
 
Des archaïques monuments
Qu’on nous sert encore en des livres,
Ô Vérité ! tu nous délivres !
Non, plus de ces faux sentiments.
De lois, nous n’en voulons connaître
Des dieux ? Où pourrions-nous les mettre ?
Nos lois ? La solidarité,
La libre entente, l’équité,
Ni dieux, ni maître !
 
Droit au travail ! Ah ! c’est assez
De vos insipides formules
Et vous nous semblez ridicules
Devant les labeurs amassés.
Non, le travailleur en détresse
Ne veut plus augmenter la graisse
Des repus ; il veut, cette fois,
Hardiment reprendre ses droits
À la paresse.
 
Penses-tu vivre encor longtemps,
Dis, Famille ? Non, tu te noies
Dans l’océan où tu tournoies
Au milieu des événements ;
Ton sein ? hélas ! tout y fourmille
Putride comme la guenille :
Droit, intérêt, autorité.
La famille sans liberté ?
Pas de famille !
 
On nous parle d’honnêteté …
Nous entendons craquer la poutre ;
Qui soutient toujours la vieille outre
Qu’on appelle propriété.
Quand la part de chacun trop brève
Ne montre la soupe qu’en rêve
Au travailleur : à cet aspect
Pour la vieille outre sans respect
Bah ! qu’on la crève !
 
Ouvrons nos cœurs, tendons les mains
Aux peuples parqués en frontières,
Combattons les goules altières
Qui vivent du sang des humains.
Les hommes de ces boucheries
Sont las et leurs âmes meurtries
N’aspirent qu’à la vérité.
Ils n’aiment que l’Humanité.
Pas de Patries !
 
Sans soucis de nos lendemains,
En tirailleurs à l’aventure,
À la société future
Nous frayons de larges chemins ;
Et, nouvelle iconomachie,
À travers la foule avachie
En troupe, jamais en troupeau
Nous allons sans chef, sans drapeau
À l’anarchie !

Paru dans L’Attaque : organe hebdomadaire anarchiste (1888-1890), nº 56 (28 décembre 1889-1er janvier 1890).