Sans soucis de nos lendemains,En tirailleurs à l’aventure,À la Société futureNous frayons de larges chemins ;Et, nouvelle iconomachie.À travers la foule avachieEn troupe, jamais en troupeauNous allons sans chef, sans drapeau,À l’anarchie !Oui, nous sommes les francs-routiers,Les loqueteux que la misèreN’a pas pourris, mais qu’elle enserreEt nous venons, nous héritiersDes martyrs perclus des géhennesSemer les colères prochaines.Les cupides sociétésFont de nous des déshérités.Faisons des haines !Des archaïques monumentsQu’on nous sert encore en des livres,Ô Vérité ! tu nous délivres !Non, plus de ces faux sentiments.De lois, nous n’en voulons connaîtreDes dieux ? Où pourrions-nous les mettre ?Nos lois ? La solidarité,La libre entente, l’équité,Ni dieux, ni maître !Droit au travail ! Ah ! c’est assezDe vos insipides formulesEt vous nous semblez ridiculesDevant les labeurs amassés.Non, le travailleur en détresseNe veut plus augmenter la graisseDes repus ; il veut, cette fois,Hardiment reprendre ses droitsÀ la paresse.Penses-tu vivre encor longtemps,Dis, Famille ? Non, tu te noiesDans l’océan où tu tournoiesAu milieu des événements ;Ton sein ? hélas ! tout y fourmillePutride comme la guenille :Droit, intérêt, autorité.La famille sans liberté ?Pas de famille !On nous parle d’honnêteté …Nous entendons craquer la poutre ;Qui soutient toujours la vieille outreQu’on appelle propriété.Quand la part de chacun trop brèveNe montre la soupe qu’en rêveAu travailleur : à cet aspectPour la vieille outre sans respectBah ! qu’on la crève !Ouvrons nos cœurs, tendons les mainsAux peuples parqués en frontières,Combattons les goules altièresQui vivent du sang des humains.Les hommes de ces boucheriesSont las et leurs âmes meurtriesN’aspirent qu’à la vérité.Ils n’aiment que l’Humanité.Pas de Patries !Sans soucis de nos lendemains,En tirailleurs à l’aventure,À la société futureNous frayons de larges chemins ;Et, nouvelle iconomachie,À travers la foule avachieEn troupe, jamais en troupeauNous allons sans chef, sans drapeauÀ l’anarchie !
Anarchie
Percheron, Auguste
Texte d’Auguste Percheron (≤1889).
Paru dans L’Attaque : organe hebdomadaire anarchiste (1888-1890), nº 56 (28 décembre 1889-1er janvier 1890).