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À la hotte !

Picourt, Gaston


Texte de Gaston Picourt (≤1888).


1
Il fait noir, ma chair est brisée
Je n’ai rien fait, il a tant plu !
Guignon ! je suis à l’Élysée,
L’endroit n’a jamais rien valu.
Ma lampe décline, la garce…
Un papier… Constitution !
Encore une bien bonne farce
Qu’on a faite à la nation.
 
Assez des tireurs de carotte,
Assez des arracheurs de dents,
Constitution, présidents !
À la hotte !
 
2
J’arrive au Palais de Justice
Trouverai-je quelque chiffon ?
Sur quoi donc, là-bas, ce chien pisse ?
C’est un Code Napoléon
Il pèse bien la bonne livre
Peut-être en ferai-je deux sous,
Hélas ! c’est du haut de ce livre
Que nos maîtres tirent sur nous !
 
Code inique, justice idiote
Procureurs,juges, substituts
Il faudra qu’ils soient tous foutus
À la hotte !
 
3
J’ai beau trotter de par la ville
Déterrant tout comme un chacal
C’est maigre. Rue Dumont-d’Urville,
Tiens ! l’hôtel du grand général !
Et dans ce tas, le manifeste
Du grand Soulouque-Boulanger
Qui promet du beurre et le reste
Dans un programme mensonger.
 
Des gifles à ce Don Quichotte
Qui rend des points à Loyola
Des pantins comme celui-là
À la hotte !
 
4
Qu’aperçois-je sous cette croûte
Asseyons-nous, je suis bien las,
Un paroissien, il est sans doute
Au curé de Saint-Nicolas
Et là-bas dans ce tas d’ordures,
Une image de piété
Une sainte aux mamelles dures
Dont le cochon s’est excité.
 
Sales bouquins de la calotte
Vierges aux seins décolorés
Sous la bave des tonsurée
À la hotte !
 
5
Au loin, dans l’ombre, un objet brille
Est-ce une aubaine ? hélas, je vois
Un galon d’or qui se tortille
À côté d’une vieille croix,
Quelque vainqueur de la Commune
Pour sûr, habile par ici.
Comment ! j’en découvre encore une !
Serais je donc en plein Poissy !
 
Croix qu’on met à la redingote
Des fusilleurs et des félons
Épaulettes et vieux galons
À la hotte !

Paru aussi in : L’Attaque : organe socialiste révolutionnaire (1888-1890), nº 12 (5-12 septembre 1888).