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J’aime mieux me taire !

Mouret, Frédéric


Texte de Frédéric Mouret (1915). Musique par Raoul Chantegrelet (1870-1945).


À Mrs Gaston Brunsvich (dit Montéhus), Maurice Barrès et Gustave Hervé
(souvenir de la Grande Guerre [1])

Soir et matin combien de gens bavardent
Pour ne rien dire ils causent bien souvent
A chaque instant ces bavards nous retardent
Par leurs propos vides comme le vent.
 
Mes bons amis je n’en fait pas mystère
A m’écouter vous perdez votre temps
Est-ce la guerre est-ce l’ennui des ans
Je ne sais plus rien dire ni rien faire.
 
Quant à singer les bavards de la terre
Et vous dire comme eux dans leur bagou
Mille fois rien quand ce n’est pas mon goût
J’aime bien mieux me taire. (bis)
 
Je pourrais bien imitant le lyrisme
Que nous voyons chez certains écrivains
Au coin du feu faire de l’héroïsme
Le ventre à table en buvant de bons vins.
 
Il me faudrait imiter ces apôtres
Ces embusqués courageux à l’excès
Qui sans danger remportent des succès
Journellement avec la peau des autres.
 
Mais quand je tremble en mon coin solitaire
Dire aux soldats « Hardi nous les auront »
Quand je suis là pendant qu’ils sont au front
J’aime bien mieux me taire (bis).
 
Si je voulais vous donner la mesure
Et vous dire tout ce que nous pensons
Tout aussitôt je verrais la censure
Me supprimer cette pauvre chanson.
 
Mais enterrer la muse humanitaire
Et renier ainsi tout mon passé
Cela peut bien vous paraître insensé
Même aujourd’hui je n’en pourrai rien faire.
 
S’il faut chanter les horreurs de la guerre
Dire aux enfants aux mères de poilus
Heureux ceux-là qui ne reviendront plus
J’aime bien mieux me taire. (bis)

Écrite en 1915 et parue, après la guerre de 1914-1918, jumelée avec « Il faut s’en faire ! ».

Paru aussi in : Brécy, Robert. — Autour de La Muse rouge : groupe de poètes et chansonniers révolutionnaires, 1901-1939. — Saint-Cyr-sur-Loire : Christian Pirot, 1991. — 254 p. (p. 103).


[1Dédicace ironique à des patriotards parfois anciens anti-militaristes.