1Artiste épris d’un idéalOu poëte vivant son rêve,De Floréal en FloréalChacun de nous végète et crève.Tandis qu’on voit Monsieur BourgeoisGorgé de tout ce qui peut plaire,Nous mangeons du pain sec, parfois,Toujours nous buvons de l’eau claire.El le bourgeois dit dans ses chants :« Tous les buveurs d’eau sont méchantsC’est bien prouvé par le déluge. *Qui chante, demain pleurera !Vieux monde ! quand le jour viendra,Le buveur d’eau sera ton juge.2Vous tous, frères ! les malheureux,Vous ! du Capital les esclaves,Les Sans-habits, les ventres-creux,Les Crève-la-Faim aux yeux caves.Bien peu souvent, le clair SoleilMet un rayon dans vos cassines ;Bien peu souvent le vin vermeilMet un rayon dans vos poitrines.Puisque le bourgeois dans ses chantsDit : « Les buveurs d’eau sont méchantsC’est bien prouvé par le déluge. »Ouvrier ! saisis ton ciseau !Et crève son ventre tonneau !Ô Buveur d’eau, deviens son juge.3Toi ! mineur ! humaine fourmiCreusant, creusant, creusant sans cessePour donner à ton ennemiLe charbon qui fait sa richesse,Quand ton bras longtemps, sans fléchir,Du sol a fouillé quelque veine,Que bois-tu pour te rafraîchir ?Des puits boueux l’onde malsaine.Puisque le bourgeois dans ses chantsDit : « Les buveurs d’eau sont méchantsC’est bien prouvé par le déluge. »Ô Gueule noire ! prends ton picEt crève le bourgeois loustic !Ô buveur d’eau, deviens son juge !4Vous ! les fillettes à l’œil noir !Et vous aussi, les filles-mères !Que la faim et le désespoirFont rouler au fond des rivières,À vos riches amants sans cœurFaites voir vos faces plombées.Et dans leurs rêves de bonheurApparaissez ! à macchabées !Puisque le bourgeois dans ses chantsDit : « Les buveurs d’eau sont méchantsC’est bien prouvé par le déluge. »Ô toi que tua son amour !Fillette du peuple à ton tour :Buveuse d’eau, deviens son juge.5Oui ! nous sommes les buveurs d’eau,Les buveurs d’eau trouble ou limpide,Qui, las de leur trop lourd fardeauVont briser comme flacon videLes repus, les buveurs de vin,Et toute leur ignoble race.Contre un d’entre eux, nous sommes vingt !Au Banquet prenons donc leur place !Puisque le bourgeois dans ses chantsDit : « Les buveurs d’eau sont méchantsC’est bien prouvé par le déluge. »Soyons méchants plus qu’il ne dit.Hardi les Gueux ! debout ! hardi !Que chacun de nous soit un juge.
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Les Buveurs d’eau
Herbel, Émile
Texte d’Émile Herbel (≤1888).
Paru aussi in : L’Attaque : organe socialiste révolutionnaire de la jeunesse (1888-1890), nº 3 (4-11 juillet 1888).