Au citoyen J.-B. Mounier.
Notre Paris, pour ce beau jour,A soif de fêtes fraternelles :Il voit hisser, avec amour,La Payse aux fortes mamelles,Celle dont la voix tonne : Ô fous !Quoi, ce sont les miens qu’on châtie !En mon nom, levez les écrous :Pas de fête sans l’Amnistie !Suis-je en bronze ou suis-je de chairSuis-je âme de peuple ou statue ?Ma victoire a coûté bien cher,Et la Bastille est abattue !J’en dois compte à tous les cœurs chauds.Ils vont la croire rebâtieSi j’en conserve les cachots :Pas de fête sans l’Amnistie !Quels corps ont comblé les fossés,Troués, hachés par la mitraille ?On ne s’en souvient pas assez,C’est toujours toi, sainte canaille !De tes morts, de tes dévouements,Une ère nouvelle est sortieAu nom de ces blancs ossements :Pas de fête sans l’Amnistie !Et qui frappez-vous, fusilleurs ?Le mineur, des damnés le pire !Et vous livrez ces travailleursAux juges pourris de l’Empire.Malgré les lois et la raison,La rancune de sacristieTient ces pauvres serfs en prison :Pas de fête sans l’Amnistie !Prisonniers, pauvres, je vous plains,La misère ronge à son aiseVos veuves et vos orphelins.Et nous chantons la Marseillaise !Au grand hymne roulant ses flotsQui fait cette sombre partie ?Familles, ce sont vos sanglots !Pas de fête sans l’Amnistie !Lorsque Prud’homme et DucatelCeignent le brassard tricolore,J’aperçois Louise Michel,Qu’au bagne, on ose mettre encore.Qu’en pillarde on a travestie,Me met en main son drapeau noir :Pas de fête sans l’Amnistie !En quatre-ving-dix, quels élans !Ce jour fut la fête sacrée,Le Champ-de-Mars vit sur ses flancsToute la France fédérée ;On sentit les cœurs s’embraserDe fraternelle sympathie ;Ce fut un immense baiser.Pas de fête sans l’Amnistie !