Au citoyen Auguste Vaillant [1].
1L’air, plein de senteurs capiteuses,Grisait les couples amoureux.Je vis un homme, aux mains calleuses,Descendre, en un trou ténébreux.Le ciel resplendit ; juin donneSon suc d’allégresse et d’espoir,L’essaim fait son miel et bourdonne…L’homme est toujours dans son trou noir !2Comme on comprend bien la paresse !Les lézards se disent : « Dormons ! »Cette brise est une caresse,Un velours bleu dans les poumons.-- L’homme portait une lanterne ; —Mais voyez : les lapins, le loir,Font leur sabbat dans la luzerne…L’homme est toujours dans son trou noir ;3Un pareil jour, les forêts vertesDevraient se remplir d’écoliers ;On tient partout, grandes ouvertes,Les fenêtres des ateliers.Que fait-il, loin de la lumière ?C’est au soleil qu’il fait beau voirLes chantiers de la fourmilière…L’homme est toujours dans son trou noir !4Le grillon tourne sa crécelle,Puis tout s’apaise et s’embrunit.Le moineau, la tête sous l’aile,S’endort dans la chaleur du nid.N’a-t-il pas fini sa journée ?Voici les étoiles du soir.La voûte est toute illuminée…L’homme est toujours dans son trou noir !5Il sort enfin ! quels lieux funèbresHabite donc ce noir maudit !On croirait qu’il sort de ténèbresBien plus épaisses que la nuit.Ô mineur ! c’est le cimetièreOù ton dur métier te fait choir.Cadavre en vie ou dans la bière,L’homme est toujours dans son trou noir !