Tout un flot d’étoiles filantesSur ce globe s’est abattu,Et, de nos classes dirigeantes,Il ne reste plus un fétu.Ceux qui nous guidaient dans l’impasse,Nos hommes d’État creux et lourds,Sont allés diriger l’espace…Et la Terre tourne toujours !Ils ne sont plus ! qu’allons-nous faire ?Devant qui nous mettre à genoux ?L’État tenait tout dans sa sphère,Ces gaillards-là pensaient pour nous !Sans eux, moutons, saurez-vous paître ?Qui tiendra la bride aux amours ?Quoi ! pas même un garde champêtre !Et la Terre tourne toujours !Où sont ces doctrinaires chauvesQui, de père en fils, ont votéCodes sauvages et lois fauves,Pour sauver la société ?Vous n’entendrez plus, prolétaires,Couler l’eau trouble, en longs discours,Des robinets parlementaires…Et la Terre tourne toujours !Quoi ! plus un seul capitaliste,Plus d’escrocs par le code absous,Dont le génie âpre consisteÀ faire suer les gros sous !Eh ! quoi le Travail et l’IdéeSont soustraits au bec des vautours !Quoi ! Rothschild, ta caisse est vidée ?Et la Terre tourne toujours !Pour des travaux de PénélopeÀ coups de canon déchirés,Plus d’ambassadeurs en Europe,Ni crachats, ni cordons moirés.Les peuples, las des vieilles tramesEt de l’eau bénite des cours,Fraternisent par télégrammes…Et la Terre tourne toujours !Sachant mieux aboyer que mordre,Où sont tant de chefs glorieux,Qui se repliaient en bon ordre,Pas plus morts que victorieux ?Les coups d’État, mèche allumée,N’ensanglantent plus nos faubourgs,La paix se maintient sans armée…Et la Terre tourne toujours !Plus de gras curés, plus de pape !Pas même un pieux sacristain ;On ne rencontre plus PriapeEn soutane d’ignorantin.Le miracle ayant tué Rome,Le Syllabus n’ayant plus cours,La raison se fait Dieu dans l’Homme !Et la Terre tourne toujours !La Terre tourne et, plus fertile,Nourrit des bras moins fatigués.Dans les blés grands où croît l’utile,L’alouette a des chants plus gais.Le travail s’accomplit sans maîtresEt, dans leurs loisirs de velours,La poésie emplit les êtres,Et la Terre tourne toujours !
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Les Classes dirigeantes
Pottier, Eugène
Texte d’Eugène Pottier.
Paru aussi dans : Pottier, Eugène. — Chants révolutionnaires. — Paris : Dentu, 1887 (p. 129-131).
Paru aussi in : La Révolte : organe communiste-anarchiste. — Paris : 1887-1894. — Année 1, suppl. litt. au nº 29 (14 avr. 1888).
Paru aussi in : L’Étincelle : chants, pensées et poésies révolutionnaires (1892), p. 4-5.
Paru aussi in : Le Père Peinard, 2e série, nº 83 (22-29 mai 1898) ;
puis dans Le Père Peinard, 3e série, nº 5 (12-19 février 1900).
Paru aussi in : Le Cubilot. — Aiglemont : 1906-1908. — Nº 41 (1er-7 décembre 1907)
Paru aussi dans : Pottier, Eugène. — Chants révolutionnaires. — Paris : Comité Pottier, 1908 (p. 88-90).
Paru aussi dans : Pottier, Eugène. Brochon, Pierre (éd.). — Œuvres complètes. — Paris [France] : Maspero, 1966 (p. 136).