À Clémence, membre de la Commune.
À Versailles, un cerveau brûléEn coucou près de moi se placeEt me dit, à peine installé :Monsieur, des destins j’ai la clé !Le monde va changer de face ;Laissant la routine au coucou,Déployons notre aile invisible !…Or, que répondre à pareil fou ?« C’est très beau ! mais c’est impossible !» — Paris, dit-il, sera dans peu» À vingt minutes de Versailles.» Nos chevaux mangeront du feu.» Ce mont gênera, mais morbleu !» Nous lui percerons les entrailles.» La flèche qui nous devançait» N’atteindra qu’après nous la cible…» — Monsieur, j’ai lu Petit Poucet !…» C’est très beau ! mais c’est impossible !» — Au lieu d’ouvriers indigents,» Dans vos fabriques, des génies» Vont créer de souples agents,» Plus forts et plus intelligents» Que les nègres des colonies !…» L’eau bouillante étant leur moteur,» On les nourrit de combustible…» — Vraiment ! des nègres à vapeur,» C’est très beau ! mais c’est impossible !» — On combine un gaz merveilleux.» Éteignez-moi vos réverbères,» La ville en aura mal aux yeux.» Toutes les étoiles des cieux» Vont lui servir de luminaires.» Partout leur éclat resplendit.» La nuit n’est plus compréhensible !…» — Des étoiles en plein midi ?» C’est très beau ! mais c’est impossible !» — L’éclair deviendra votre voix,» Et ne haussez pas les épaules» Prêtant l’oreille en mille endroits,» Nous allons entendre à la fois» Parler l’équateur et les pôles.» La foudre, à qui veut l’en charger,» Porte une dépêche lisible…» — Diantre ! quel pigeon messager !» C’est très beau ! mais c’est impossible !» — Pour qui prenez-vous le soleil ?» Pour un vieux poêle à votre usage ;» Mais on lui cherche un appareil» Et cet artiste sans pareil» Sera peintre de paysage.» Il gravera monts et forêts,» Jusqu’au détail imperceptible !…» — Fera-t-il aussi les portraits ?» C’est très beau ! mais c’est impossible !» — Ah ! frère, si tu pouvais voir» Quel torrent d’amour s’amoncelle !» Les peuples unis vont avoir» La terre enfin pour réservoir» De jouissance universelle ! »-- Pauvre fou ! J’ai serré sa main,Déplorant mon doute invincible…Ah ! le bonheur du genre humain !C’est très beau ! mais c’est impossible !
1868.