Accueil > Chansons > À la police infâme

À la police infâme

Le Roy, Achille


Texte de Achille Le Roy (≤1884) = « La Police infâme » = « La Sociale ».

Plusieurs versions existent.


Version parue dans : Le Roy, Achille. La Revanche du prolétariat. 1885.

Dédié au Bureau des sociétés professionnelles [1]

1
Inquisiteurs d’un autre Saint-Office,
Tapis dans l’ombre, ourdissez vos forfaits :
Nous, au grand jour, nous bravons la police
Et des puissants les ignobles valets.
Honte sur vous, misérables transfuges
Qui trahissez l’ouvrier manuel !
Jusqu’aux proscrits en leurs lointains refuges
Que souille encor votre venin mortel.
 
2
Nobles martyrs qu’une clique assassine
Ensevelit dans les cachots bourgeois,
Entendez-vous s’écrouler en ruines
Ce monde infâme, étayé par les lois ?…
Pour vous venger, les vagues populaires,
Se soulevant à votre cri d’appel,
Vont balayer les prisons, les frontières,
Et faire place au règne fraternel.
 
3
Le travailleur qui succombe à la peine,
Ou le chômeur sans asile et sans pain,
Sait aujourd’hui qui l’affame et l’enchaîne :
Soixante-et-onze aura son lendemain.
Au pilori les juges, les gendarmes
Et les geôliers du bagne industriel !
Plus de pitié ! qu’on passe par les armes
Tous les bourreaux de Cyvoct, d’O’Donnell !
 
4
Vous qui raillez le « Droit à la paresse »,
Entretenus du Prolétariat,
Disparaissez ! Une voix vengeresse
Partout répète « À bas le patronat ! »
Vous qui du peuple aggravez la souffrance
En conspirant pour le trône et l’autel,
Vils députés qui vendriez la France,
Nous surveillons votre jeu criminel.
 
5
Quand mis au mur, un de nos frères tombe,
Il crache encor son mépris aux soudards.
Souvenons-nous ! Par le fer, par la bombe,
Exécutons gouvernants et mouchards.
Ô Liberté que l’univers réclame,
Jette aux puissants ton dédaigneux cartel !
Guerre aux chauvins, à la Police infâme !
Plus de frelons dérobant notre miel !
 
6
Honneur à vous, tirailleurs d’avant-garde,
Enfants perdus qui tombez vaillamment !
Le monde entier tressaille et vous regarde,
Criant à tous : « Les braves, en avant ! »
Que ta bannière, Internationale,
Guide nos bras pour le suprême duel
Soyons vainqueurs, et que la Sociale
Donne à la Terre un bonheur éternel !

La version de 1884 du Droit anarchiste de Lyon est précédé du texte « La police est au corps social ce que la vermine est au corps humain. ». Le 5e couplet y est absent, mais un autre couplet est rajouté à la fin :

De leurs canons tu méprises la foudre,
Ô noir drapeau qui flotta sur Lyon !
La dynamite a détrôné la poudre…
Ainsi vaincra la Révolution.
Marche au combat, symbole du courage !
Voici venir le moment solennel.
Du prolétaire abolit le servage
Et sois pour tous l’étendard immortel

http://anarlivres.free.fr/pages/biblio/complements_texte/ChansonsLeroy.html :

  • Antoine Cyvoct (1861-1930), militant anarchiste lyonnais, fut accusé à tort d’être l’auteur d’un attentat perpétré le 22 octobre 1882. Après quatorze années au bagne de Nouvelle-Calédonie, il sera finalement gracié après une campagne de presse.
  • Peut-être s’agit-il de Hugh O’Donnell (c. 1869-19 ??), ouvrier aciériste américain, président du comité syndical pendant la grève de la Homestead Steel en juillet 1892 [2]. Accusé de complot, d’émeute et de deux meurtres, après une bataille entre les grévistes et la milice Pinkerton, il fut finalement acquitté.

Paru dans : Le Roy, Achille. La Revanche du prolétariat. Paris : Librairie socialiste internationale, 1885 (p. 47-48).

Paru aussi in : Le Droit anarchique (1884-1884), in nº 3 (27 juin 1884).

Paru aussi — sous le titre « La Sociale », avec seulement les couples 2 à 6 — dans L’Insurgé : organe communiste-anarchiste (1885-1885), nº 7 (26 avril-3 mai 1885).


[1Officine gouvernementale de la rue de Cambacérès, dirigée par un renégat du nom de Barberet. Là surtout se mitonnent les vilenies politiciennes.

[2D’après Manfredonia, Gaetano. La Chanson anarchiste en France des origines à 1914 (1997), p. 149, la 1re version est parue en 1885.