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Le Plan de Kouropatkine

Chambiet, Charles


Texte de Charles Chambiet (≤1905). Sur l’air « Le Bureau de placement » (1843) musique de Plantade pour une scène comique de Charles Delange (....-1871).


À René Chopard

Avant d’aller en combattant,
Là-bas, tout au bout de la Chine,
Le général Kouropatkine
Fit un plan épatant.
 
Pour pas l’perd’, dans son pardessus
Il le mit avec sa sacoche,
Et tira du fond de se poche,
Son mouchoir, qu’il mit par dessus.
 
Pour rester bien avec Dieu bon,
Son doux fiston et la Ste-Vierge,
Envoya leur brûler un cierge
Par son copain Drumont.
 
Pour arriver à vaincre Oku,
Il fit une prière brève
À notre patronn’ Ste-Gen’viève,
Ell’ lui passa le plan d’Trochu.
 
Il comprit que pour le Japon
Qu’a des soldats qui font la guerre.
Ces deux plans là n’f’raient pas l’affaire,
Prit celui d’Mac Mahon.
 
Puis il se dit, ému tremblant :
« Je suis muni de mes viatiques,
J’ai des icon’ries magnifiques,
J’épat’rai I’monde avec mon plan.
 
« Réfléchit que les cuirassés
Sont quelque fois de gros navires,
Ça n’va pas sur terr’, ça chavire,
J’vas m’en débarrasser. »
 
Expédia ceux de Port-Arthur
Au fond de l’eau, ça se devine
Pour faire une étud’ sous-marine,
Je crois que c’est I’moyen l’plus sûr.
 
Puis il reprit, d’un ton amer :
« Pour moi des gros bateaux, c’est toc » ;
Envoya ceux d’Vladivostock
Capturer l’serpent d’mer.
 
Lors, il se dit, ému, tremblant,
Devant crésultat qui débute,
« Y’a pas d’erreur, il s’exécute,
Je n’ai qu’à poursuivre mon plan. »
 
Mais pour jouer des tours au Japon,
S’aperçut que 300,00 hommes.
Ça fait beaucoup de bruit en somme,
Et pas grand chus’ de bon.
 
Il livra des combats sanglants,
Poursuivent son plan sur la route,
Perdit ses homm’s dans sa déroute,
L’monde était épaté d’son plan.
 
Si bien qu’au bout de quelques jours,
Il revit tout’ la Mandchourie,
La Sibérie et la Russie
Jusqu’à St-Pètersbourg.
 
N’avait plus qu’un aide de camp,
Et disait d’un voix alarmée :
« Seigneur, où donc est mon armée
Kuroki m’a volé mon plan » ?
 
Vite, il alla voir Nicolas
Qui le r’çut la mine effarée :
« J’te croyais toujours en Corée
Ou à Yokohama.
 
Tu n’as donc pas suivi ton plan ? »
« Ah ! si, dit l’aut’, je l’ai suivi
Je l’ai mêm’ suivi jusqu’ici
Il consistait à foutr’ le camp. »
 
« Ah ! fit le Tzar, les yeux rageurs,
Pour récompenser ton mérite,
Je te fais général tout d’suite.
D’mes pigeons voyageurs. »
 
Ça prouve à ceux qui font un plan,
Qu’il ne suffit pas pour la guerre,
D’écrire un rapport militaire.
Il ne faut pas rester en plan.
 
Moi, j’dis ça d’après les journaux,
Les Russ’s n’ont plus besoin d’marine,
Ils ont le plan d’Kouropatkine
Qu’est un immens’ bateau.

Satire sur la défaite russe contre le Japon en 1905.


Parue aussi dans : La Chanson ouvrière : édition trimestrielle des œuvres des poètes et chansonniers du prolétariat (1905-1905), nº 1 (1905, mars).