À Albert Goulé.
J’ai faim, disait Ventre creuxDevenu sceptique,Je suis las des fruits véreuxDe la politique.Tiens ! je paie assezLes vieux pots cassés.Les partisSont petits.Chacun a sa bande,J’aime mieux la viande !Peuple, me dit en tout lieuRoi qui sollicite,On ne fait bon pot-au-feuQue dans ma marmite.— Mais, grugeur d’impôt,De ta poule au potLorsque j’aiL’os rongé,C’est par contrebande,J’aime mieux la viande !Un gras marguillier sans fiel,Monsieur Durosaire,Me dit : Tu gagnes le ciel.Bénis ta misère.— Quoi ! pour mon salutCe jeûne absolu,C’est très bien,Très chrétien !Que Dieu vous le rende,J’aime mieux la viande !Un meneur fort amicalMe dit : Prolétaire,Prends un Bourgeois radicalPour ton mandataire.— Tout Bourgeois, mon cher,Nourri de ma chair,Sur mon gain,Sur ma faimTouche un dividende,J’aime mieux la viande !Pour qui ces torches là-bas,Ces prêtres bizarres ?Quel est ce dieu ? — le bœuf gras !Sonnez les fanfares !Animal divin,Terrassant la faim,Tu nourrisNos esprits.Que chacun m’entende !J’aime mieux la viande !
1874.