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L’Attentat

anonyme


Texte anonyme (1893 ou 1894).


Rue du faubourg Poissonnière,
En rentrant à son logis,
Un passant, la s’main’ dernière,
S’arrêta soudain surpris :
Il venait, dans la nuit sombra,
Marchant d’un air circonspect,
De voir se glisser une ombre
Portant un objet suspect.
 
Saisi d’un’ terreur profonde,
Notre homme n’hésita pas.
Au sergot qui f’sait sa ronde
il courut conter le cas :
« Ce doit dire un anarchiste
Qui médite un attentat.
Faut l’pincer à l’improviste,
Avant qu’y fass’ du dégât ! »
 
L’agent d’la force publique
À ces mots devient songeur.
Mais, d’un’ voix mâle, il réplique
À son interlocuteur :
« Ceci n’est point mon affaite.
Mais, par une exception,
J’vais vous m’ner chez I’commissaire,
Fair’ vot’ déclaration. »
 
Le commissaire, d’un geste,
Réunit tous ses agents.
Puis la troup’ file d’un pas leste,
Vers le lien des événements.
Par une mesur’ Prudente,
Près d’un’ casern’ de sapeurs,
De quatre hommes elle s’augmente
Et d’une pompe à vapeur.
 
Sous la porte l’commissaire,
Brandissant son pistolet,
Dit au révolutionnaire,
En I’ saisissant au collet :
« Au nom d’la loi j’vous arrête !
Quel est c’t’engin destructeur ? »
L’aide répond : « C’est un’ tinette,
Moi, je suis un vidangeur ! »
 
De cette horrible aventure,
Oyez l’affreux dénou’ment :
Au Dépôt d’la Préfecture,
On écroua le passant.
Dans sa cellule il médite
Sur le danger qu’il y a
À prendre pour un’ marmite
Un’… chose qui ne l’est pas !

Paru aussi dans : La Révolte : organe communiste-anarchiste. — Paris : 1887-1894. — Année 7, suppl. litt. au nº 17 (6 janv. 1894)