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La Croix

Théodore, Jean


Texte de Théodore Jean (1893).


À Joachim Gasquet

La Croix. l’énorme Croix de labeurs et de peines,
Dans les ronces des deuils, dans les rocs des géhennes.
Peuple forçat, Peuple docile à tes tueurs,
Sur tous les Golgothas du monde tu la portes,
Trempée de tes sanglots, trempée de tes sueurs.
 
Les fouets, la faim et les fourbent l’escortent :
Tu pourrais d’un effort de la main les dompter,
Ô Titan généreux, martyr de ta Bonté !…
 
Assez de pleurs ! Assez d’attente ! Assez de plaintes !…
Trop de tes enfants crient, trop des tiens ont souffert.
Il est temps de broyer les bourreaux et tes forts.
La Révolte est sacrée, et tes haines sont saintes.
 
Tes larmes, tes haillons, tes prières, tes cris
N’émeuvent pas le cœur des Maîtres qui te volant.
Victime séculaire à leur ventre ils l’immolent ;
Et sur tes agonies ils crachent leur mépris.
 
Lève-toi : de ta Crois fais l’Épée de Justice.
Lève-toi : de ta Croix fais le rouge flambeau.
Et que la Terre ainsi qu’un immense calice
Reçoive les splendeurs de l’Amour et du Beau !

Septembre 1893


Paru aussi dans : La Révolte : organe communiste-anarchiste. — Paris : 1887-1894. — Année 7, suppl. litt. au nº 357 (14 oct. 1893)