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Debout ! Libertaires…

Théodore, Jean


Texte de Théodore Jean (1893).


À mon ami Martial Teneo

Humus humain, cerveaux ! Jusqu’à ce qu’elle éclate.
L’idéale Moisson par nos cœurs fécondée,
Fût-elle, de nos sangs expirés, écarlate,
Nous vous labourerons par ,les socs de l’Idée.
 
Préjugés, ô forêts qui couvrez l’horizon,
Châteaux-forts de l’Erreur qui dominez les plaines,
La Nature est par vous transformée en prison,
Et l’Humanité serve ahane sur ses chaînes.
 
Mais, nous voici debout, armés pour l’Idéal,
Qu’ils tremblent : les Seigneurs du troupeau social ;
Les repaires des éternels bandits, qu’ils tremblent !
Car nous portons la torche et la lumière ensemble.
 
Travailleurs, par le prêtre et le bourgeois domptés,
D’un monde à l’autre monde alliez vos misères ;
Enfermez le clairon sacré de vos misères :
Et vos maîtres fuiront par l’orage emportés.
 
Héroïques ouvriers, qui peinez dans les mines
Qui dans la nuit livide, au fond des souterrains,
Pour nous tous extirpez du Soleil, grain à grain,
Trop longtemps le Patron pesa sur vos échines.
 
Paysans, qui du sol faites pousser la Vie,
Le sang de vos labeurs monté avec le froment
À vous tous est la Terre et le Rentier vous ment ;
Mangez à votre faim, buvez à votre en vie.
 
Soldats, chair de la chair du Peuple, et ses entrailles,
Vous n’êtes pas les fils de l’État, mais nos fils ;
Et si sur nous vos chefs commandent la mitraille,
Venez à nous, qui ne voulons plus d’asservis.
 
Ah ! tous les malheureux, les souffrants, les victimes,
Vous tous les exploités de l’Or et de la Loi.
Nous crierons par dessus vos douleurs et leurs crimes,
Que l’argent n’est qu’un masque, et le Travail le Droit ;
 
Que la terre, ils nous l’ont volée, et qu’elle est Toute
À Tous, et non pas la Propriété d’eux seuls ;
Qu’assez de siècles nous ont vus joncher la route,
De nos angoisses, de nos deuils, de nos linceuls ;
 
Qu’il est temps que tous les cœurs à l’unisson battent ;
Et que pour conquérir la paix, la liberté,
Le pain et le foyer, tous les braves se hâtent,
Prêts à mourir pour ton triomphe, Humanité.
 
Ah ! tous les parais, les gueux, les misérables,
Tous les agenouillés… demain, si vous voulez,
La Honte du Servage et l’Orgueil des Palais
Tout cela croulera comme un monceau de sables.
 
Vous n’avez qu’à vouloir, et la Forêt du Mal,
Qui pousse dans le sang des souffrances humaines
Fera place aux moissons de joie, et par les plaines
Montera le puissant essor de l’Idéal.

Marseille, 1er septembre 1893


Paru aussi in : La Révolte : organe communiste-anarchiste. — Paris : 1887-1894. — Année 7, suppl. litt. au nº 1 (16 septembre 1893).

Paru aussi in : Le Libertaire : organe socialiste-révolutionnaire des groupes de St-Josse-ten-Noode, nº 1 (22 octobre 1893).