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La Société protectrice des animaux

Jouy, Jules


Texte de Jules Jouy (1887). Sur l’air « Aimez-moi du moins comm’ vos bêtes » de Pierre Lachambaudie (1806-1872) dont il reprend du texte.


À mon ami Henri Brissac

« Tout Paris était hier soir à l’Hippodrome pour la seconde représentation des courses de taureaux…
« Quelques fanatiques de la Société protectrice des animaux ont cru devoir protester, mais sans grand succès. »

À l’aube, je vais à l’usine ;
En sueur, sans jamais m’asseoir,
Je me surmène, je turbine,
Depuis le matin jusqu’au soir.
Philanthropes, soyez plus chouettes ;
Je vaux bien tous vos animaux.
Aimez-moi du moins comm’ vos bêtes, / Vos chines, vos chats et vos taureaux ! (bis)
 
Pour rien je travaille sans trêve ;
L’exploiteur est mon picador ;
Et lorsqu’à bout je me soulève,
César est mon toréador.
Hommes sensibles que vous êtes,
Protestez contre mes bourreaux !
Aimez-moi du moins comm’ vos bêtes, / Vos chines, vos chats et vos taureaux ! (bis)
 
Quand j’attrape soixante ans d’âge,
Le patron dit : « Il est trop vieux ! »
Il m’envoie à l’équarrissage
Comme un pauvre cheval boiteux.
Au lieu de faire des courbettes
Devant mes cruels toreros,
Aimez-moi du moins comm’ vos bêtes, / Vos chines, vos chats et vos taureaux ! (bis)
 
Le sort me garde en récompense
La mort, sans rien dans le fanal ;
L’autopsie, au nom de la science,
Sur un triste lit d’hôpital.
Les travailleurs ont leurs squelettes
Dans les cabinets médicaux.
Aimez-moi du moins comm’ vos bêtes, / Vos chines, vos chats et vos taureaux ! (bis)

23 janvier 1837


Paru dans : Jouy, Jules. Les Chansons de l’année [1887] (Bourbier et Lamoureux, 1888, p. 57-58)

Paru aussi dans : La Révolte : organe communiste-anarchiste. — Paris : 1887-1894. — Année 5, suppl. litt. au nº 34 (21 mai 1892)