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Le Bonhomme misère (Jacques Bonhomme)

Guêtré, Jean

Texte de Jean Guêtré (≤1892).

(refrain)
C’est moi qu’on nomme
Jacques Bonhomme,
Jacques Bonhomme, qui n’a rien
Que son chien.
 
Je suis d’une vieille origine,
Et quand je songe à mes aïeux,
À mon costume, je devine
Que je suis tout à fait comme eux.
Rien n’est changé dans nos familles,
Depuis et dans, jusqu’à nos jours ;
Nous sommes les porte-guenilles,
Et nous ne mangeons pas toujours.
 
Tantôt j’habite la chaumière,
Et tantôt je loge au grenier ;
Je vis de pain noir et d’eau claire,
Et mon palais, c’est l’atelier.
Je fais l’épingle, et je façonne,
Ô Riches, vos temples altiers !
Dans les champs, je fauche et moissonne ;
C’est moi, qui peuple les chantiers.
 
Jeune, on prend ma première sève.
Je suis soldat, et je défends
Mon pays ; quand le fil du glaive
Des rois tranche les différents.
Pour le fer, le plomb, la mitraille,
Ma poitrine est un bouclier.
Je meurs sur le champ de bataille,
Ou meurtri, je rentre au foyer.
 
Après avoir tissé la toile,
Après avoir filé le lin,
Je vois s’assombrir mon étoile,
C’est l’heure triste du déclin.
Vieux et perclus, courbé par l’âge,
Je trottine par le chemin,
Aidé d’un bâton de voyage,
Aux bons passants je tends la main.
 
C’est moi, qu’on nomme
Jacques Bonhomme,
Jacques Bonhomme, qui n’a rien
Que son chien.

Paru aussi dans : La Révolte : organe communiste-anarchiste. — Paris : 1887-1894. — Année 5, suppl. litt. au nº 23 (26 févr. 1892)