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Le Chant des exploités

Théodore, Jean


Texte de Théodore Jean (1891 ?).


À mon cher compagnon Zo d’Axa de l’Endehors

Endehors ! Endehors ! Endehors !
 
Nous étouffons dans vos baraques.
Eh quoi ! C’est là notre demeure ?
Dans ces cloaques, dans ces bouges,
Dans ces patries, dans ces casernes,
Dans ces prisons, dans ces taudis ?
 
Ah ! la Nature crie horreur
Par tous les yeux de ses étoiles,
Par les sanglots de ses torrents,
Par les mépris de ses sommets
Par les ouragans de ses souffles
Et par les rumeurs, de ses mers.
 
Ah ! nous ne voulons plus être les mercenaires,
Vos ouvriers, vos soldats, vos paysans :
Vos esclaves !
 
Esclaves, serfs, salariés,
Mutilés, torturés, écrasés,
Assez longtemps nous nous courbâmes,
Assez longtemps nous fûmes morts,
Morts dans la Vie universelle.
 
Ah ! nous ne voulons plus, pour votre avidité,
Fouiller le cœur du globe,
Et parcourir les océans,
Et de l’aube à la nuit, de l’enfance à la mort
Épuiser nos efforts,
Et forger, et ouvrer,
Et féconder la terre,
Et bâtir vos palais,
Et de notre labeur emplir vos coffres-forts,
Pour éternellement être les misérables,
Les mendiants de vos charités,
Et vos très humbles serviteurs !
 
Ah ! vous avez menti. Assez de duperies !
Vous vous disiez nos protecteurs, nos défenseurs,
Mème nos pères….
Ah ! vous êtes les fils sanglants des barbaries,
Les usurpateurs de la Terre,
Les Imposteurs de l’Ignorance,
Les dieux sauvages de la Force,
Les Judas de l’Humanité.
 
Bourreaux ! Qui les dénombrera
Vos mensonges et vos victimes ?
Naïfs les Peuples vous ont crus :
Et pendant qu’à l’abri de leur crédulité,
Vous avez festoyé, dansé, joui, vécu,
Égoïstes pourceaux saoulés de goinfreries,
Toute l’Humanité saigna sur votre croix.
 
Ah l nous ne voulons plus suivre l’ornière rouge
Des Routines et des Erreurs : Assez de sang !
Assez de vols ! Assez de crimes !
Ô Gallophobes, Prussophages,
Russomanes, Italovores,
Ô, de toutes couleurs,
Ô, de toutes nations,
Patriotes anthropophages !
 
Nous tous les Peuples, nous voulons
Que la Terre, mère commune,
Que la Nature nourricière,
Où tous au large pouvons vivre,
Soit pour tous ses enfants la table fraternelle !
 
Accapareurs des Capitaux. et des Richesses,
De tout l’enfantement des Générations,
Parâtres prévaricateurs,
Rendez à tous les Travailleurs le Bien Commun.
 
Ô Maitres, qui croyiez toujours nous commander,
Regardez votre petit groupe ;
Voici debout les hommes libres,
Le Travail, le Vouloir, et la Force, et le Nombre.
 
Hors de nos Temples, de vos lois,
De vos Bagnes, de vos Frontières,
De vos Dogmes, de vos Morales,
Depuis des siècles et des siècles
Les Libertaires sont en marche.
 
Leur sang de martyrs féconda
Leurs Paroles tyrannicides.
Et malgré les bûchers sanglants,
L’horreur des haches empourprées,
Des gibets et des fusillades,
Leur Pensée a germé en nous :
Voici s’épanouir leurs Rêves !
 
Hors des affres du noir Passé,
Nos cœurs, nos actes, nos cerveaux,
Harmonisés par la Nature,
Vont enfanter les temps nouveaux,
Vont créer le Libre Bonheur,
Pour les Humanités futures !
 
Endehors ! Endehors ! Endehors !

Paru aussi dans : La Révolte : organe communiste-anarchiste. — Paris : 1887-1894. — Année 5, suppl. litt. au nº 9 (21 nov. 1891)

Paru dans Le Libertaire (1919-1939), 2e série, 4e année, nº 188 (25 aout 1922).