Au citoyen Petit-Pierre (Lice chansonnière).
Cloches et canons… c’est fête !Un brouillard couvre Paris.Des ombres, musique en tête,S’estompent sur ce fond gris.Quel long cortège fossile,Invalides et vieillards,C’est l’Empire qui défile,Défile dans les brouillards !Vieille et pieuse réclame !Le vieux monde officielDans la vieille Notre-DameVa rende grâce au vieux ciel.Décembre a sauvé Basile,Vautour échappe aux pillards…Va, vieil Empire, défile,Défile dans les brouillards !Les gros bonnets de l’armée,Chasseurs de bonnes maisons,Piaffent, la tête emplumée,Aux gages des trahisons.Dieu ! que la guerre civileA galonné ces Bayards !Va, vieil Empire, défile,Défile dans les brouillards !Place à la magistrature !Ces vieux jugeurs à faux poidsFont tenir la dictatureDans le caoutchouc des lois.Chez nous la toge servileCède aux armes des Césars.Va, vieil Empire, défile,Défile dans les brouillards !Viennent les Académies,Routines au col brodé.Par ces vieilles ennemiesTout génie est lapidé.On châtre en leur vieux concileSciences, lettres, beaux-arts.Va, vieil Empire, défile,Défile dans les brouillards !Voici la honteuse plaie,La Banque et ses rois puissants,Ces gens de fausse monnaieQue l’on nomme commerçants.Leur peau d’eunuque distilleLe vert-de-gris des vieux liards.Va, vieil Empire, défile,Défile dans les brouillards !Le clergé remplit l’église.Là, sous les cieux obscurcis,Rome à prix d’or canoniseLes coups d’État réussis.On vend au tigre, au reptile,Des Te Deum nasillards.Va, vieil Empire, défile,Défile dans les brouillards !Mais la science émancipeLa jeunesse au teint vermeil.L’épais brouillard se dissipeDevant un jeune soleil.Et la vieillesse imbécile,En de pompeux corbillards,Avec l’Empire défileEt file avec les brouillards !