À Eugène Baillet (Lice chansonnière).
On vient de déclarer la guerre :« Allons-y ! disent les vautours ;»Mais cela ne nous change guère,»N’est-ce pas guerre tous les jours ? »Du moins elle jette son masque,En riant d’un rire insensé,Le squelette a coiffé son casque,Son cheval-squelette est lancé.Elle couvait, aussi perverse,De classe à classe, à tous degrés :Ici, guet-apens du commerce ;Là, famille à couteaux tirés.Privé d’essor, le brigandageChutait au bagne à tous propos ;On ne tolérait le pillageQu’à titre de banque et d’impôts.On sevrait la soif sanguinaire ;On réprimait le fauve instinct ;On inquiétait Lacenaire,On chagrinait ce bon Castaing.Ah ! nous blâmions l’infanticide !Nos fils ont vingt ans… et ce soirLe conseil des bouchers décideLesquels sont bons pour l’abattoir.Emplumés, tatoués, nous sommesDes Peaux-Rouges, des clans rivaux.Jetons au sol un fumier d’hommes,« La terre en produit de nouveaux ! »Souffleté, l’Évangile émigre,Les apôtres s’en vont bernés,O patrie ! un reste de tigreRugit dans tous les « cœurs bien nés ! »On chauffe à blanc votre colère,Peuples sans solidarité,Mis au régime cellulaireDe la nationalité.L’obus déchire la nuit noire,Le feu dévore la cité ;Le sang est tiré… viens le boire !Toi, qu’on nomme l’Humanité.Le droit de la force et du nombrePiaffe sur les vaincus meurtris ;La gloire étend sur le ciel sombreSes ailes de chauve-souris.Guerre ! guerre ! mais qu’attend-ellePour broyer la chair et les os ?Elle attend la feuille nouvelle,Le mois des fleurs et des oiseaux.