Quand dans l’air et sur la rivièreDes moulins se tait le tic tac ;Lorsque l’âne de la meunièreBroute et ne porte plus de sac,La famine, comme une louve,Entre en plein jour dans la maisonDans les airs un orage couve.Un grand cri mante à l’horizon :RefrainOn n’arrête pas le murmureDu peuple, quand il dit : J’ai faim !Car c’est le cri de la nature ; / Il faut du pain, il faut du pain. (bis)La faim arrive du village,Dans la ville, par les faubourgs ;Allez donc barrer le passageAvec le bruit de vos tambours.Malgré la poudre et la mitraille,Elle traverse à vol d’oiseau,Et sur la plus haute murailleElle plante son noir drapeau.Que feront vos troupes réglées ?La faim donne à ses bataillonsDes armes en pleins champs voléesAux prés, aux fermes, aux sillons :Fourches, pelles, faux et faucilles ;Dans la ville, au glas du tocsin,On voit jusqu’à de jeunes fillesSous le fusil broyer leur sein.Arrêtez, dans la populace,Ceux qui portent fusils et faux ;Faites dresser, en pleine place,La charpente des échafauds.Aux yeux des foules consternées,Après que le couteau glissantAura tranché leurs destinées,Un cri s’élèvera du sang !La terre n’est pas labourée ;Et le blé devrait, abondant,Jaunir la zone tempérée,Et, du pôle au tropique ardent,Déchirons le sein de la terre,Et, pour ce combat tout d’amour,Changeons les armes de la guerreEn des instruments de labour.Que nous font les querelles vainesDes cabinets européens ?Faudrait-il encor, pour ces haines,Armer nos bras cyclopéens ?Du peuple, océan qui se rue,Craignez le flux et le reflux ;Donnez la terre à la charrue,Et le pain ne manquera plus.refrainOn n’arrête pas le murmureDu peuple, quand il dit : J’ai faim !Car c’est le cri de la nature ; / Il faut du pain, il faut du pain. (bis)
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Le Chant du pain (Le Pain)
Dupont, Pierre
Texte de Pierre Dupont (1847). Musique par Joseph Darcier (1819-1883).
Paru aussi in : Biolley, Georges (éd.) . — Les Chants du peuple. — Genève : Imprimerie jurassienne, 1888. — Fascicule nº 1 (p. 9). [1]
Paru aussi in : La Révolte : organe communiste-anarchiste. — Paris : 1887-1894. — Année 2, suppl. litt. au nº 45 (17 juil. 1889)
Paru aussi in : L’Étincelle : chants, pensées et poésies révolutionnaires (1892), p. 8-9.
Paru aussi in : Les Chants du peuple. — Paris : [P. Delesalle] aux bureaux des Temps nouveaux [puis] La Publication sociale. — Fascicule nº 9 [1901, sept.]. [2]
Paru aussi in : Chansonnier de la révolution. — Genève : Le Réveil socialiste-anarchiste, 1902 (p. 33).
Paru aussi in : Les Chants du peuple. Série nouvelle ; nº 1. — Paris : Temps nouveaux, [ca 1902]. — N.p.
Publié aussi dans le recueil nº 17 (ca 1928) de Nos chansons (1920-1930) de La Muse rouge.
Paru aussi in : Manfredonia, Gaetano. — Libres ! Toujours… : anthologie de la chanson et de la poésie anarchistes au XIXe siècle. — Lyon : Atelier de création libertaire, 2011 (p. 24).
Record : Lunaisiens, les. Révolutions ! : chants de gloire ou cri de mort, chroniques révolutionnaires 1830, 1848, 1871
[1] Le texte de cette chanson est accompagné d’une note :
En 1845 et plus encore en 1846, mauvaises récoltes, accaparements de grains. Les paysans affamés s’attroupent, demandent du pain. Buzançais (Indre), deux propriétaires agioteurs les reçoivent à coups de fusil [cf. Dominique Lejeune. L’émeute de Buzançais (Indre, janvier 1847). : Commentaire de texte. DEUG. Hypokhâgne du lycée Louis le Grand, France. 1995, pp.11. cel-01493556.]. La foule justicière les pend. Mais le prolétariat n’est pas préparé : ses oppresseurs reprennent vite le dessus. La jugeaille envoie une masse d’hommes au bagne, et, au hasard, eu condamne cinq à mort. Le bon roi Louis-Philippe n’hésite pas à signer un arrêt de mort. C’est à cela que le Chant du Pain fait allusion.
[2] La brochure donne aussi sa note sur l’émeute de Buzançais de janvier 1847 qui serait à l’origine de la chanson :
Nous avons pensé rééditer cette chanson de Pierre Dupont qui, quoique vieille de plus d’un demi-siècle, est encore, hélas, d’actualité, puisque des ministres socialistes (!) donnent l’ordre de tirer sur des travailleurs.
[puis suit la réédition de la note parue dans l’édition de Genève de 1888.]