Voici le huit, le jour du terme :Nous n’avons pas le premier sou.Mais j’attends Vautour de pied ferme,Qu’il vienne et je lui tords le cou.Ce ne sont pas menaces vaines,Je suis femme d’un ouvrier.Il suce le sang de nos veines,On se venge d’un meurtrier !Nous pourrissons dans ce cloaque.Nos loyers, de ce vieux voleurOnt payé la sale baraque,Au moins quatre fois sa valeur.Depuis vingt ans je me lamenteDans son trou, sans jour et sans air.Voilà cinq fois qu’il nous augmente ;En entrant, c’était déjà cher.J’ai passé là vingt longs carêmes,Car que sert de déménager ?Ces gueux-là sont partout les mêmes,On ne sait plus où se loger.L’escalier noir est une honte,Tant il est dégradé, poisseux.Des lieux, des plombs quand l’odeur monte,L’alcali vous empoigne aux yeux.Il fait de l’or de cette boue,Prenant le plus clair du travail.C’est de la peste qu’il nous loueIl tient la typhoïde à bail.Quel logis infect que le nôtre :Une boîte de crevaison.Tous mes enfants l’un après l’autre,Je les perds dans cette maison.Entre ces quatre murs verdâtres,L’humidité que nous humonsDes cloisons détache les plâtresEt nous détache les poumons.Le peuple hait cette charogneEt parle de l’exproprier.Moi je vais plus vite en besogne,Je veux la peau de l’usurier.Pauvres bougres de locataires,À quand la révolution !Supprimer les propriétaires,N’est-ce pas la solution ?La politique glacialeEst pour la femme un jeu moqueur,Mais la question socialeTient la mère au profond du cœur,Nos défaites seront vengées,Quand, mêlant leurs cris au tocsin,Toutes les femmes insurgéesMarcheront leurs bébés au sein.Voici le huit, le jour du terme :Nous n’avons pas le premier sou.Mais j’attends Vautour de pied ferme,Qu’il vienne et je lui tords le cou.
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Logements insalubres
Pottier, Eugène
Chanson d’Eugène Pottier (1887 ou avant).
« Monsieur Vautour » est l’archétype du propriétaire exploiteur.
Paru aussi dans : Pottier, Eugène. — Chants révolutionnaires. — Paris : Dentu, 1887 (p. 214-216).
Paru aussi in : La Révolte : organe communiste-anarchiste. — Paris : 1887-1894. — Année 1, nº 3 (1er oct. 1887)
Paru aussi in : Le Père Peinard, 3e série, nº 13 (1er [8] avril 1900).
Paru aussi in : Chansonnier de la révolution. — Genève : Le Réveil socialiste-anarchiste, 1902 (p. 34-35).
Paru aussi in : La Libre fédération : organe socialiste, syndicaliste, fédération (1915-1919), nº 13 (17 juin 1916).
Paru aussi dans : Pottier, Eugène. Brochon, Pierre (éd.). — Œuvres complètes. — Paris [France] : Maspero, 1966 (p. 187).
Paru aussi in : Manfredonia, Gaetano. — Libres ! Toujours… : anthologie de la chanson et de la poésie anarchistes au XIXe siècle. — Lyon : Atelier de création libertaire, 2011 (p. 131).