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Le Charretier et le cheval

Jouy, Jules

Texte de Jules Jouy (1888).

À Armand Masson

Charretier brutal et féroce
Qui tapes sur ta maigre rosse,
Au lieu de lui faire du mal,
Aime plutôt l’humble animal.
Les mêmes tâches sont les vôtres ;
Tous deux, sans répit, pour les autres,
Vous travaillez dans le brancard :
Viande à patron, viande à Macquart.
 
Oui, pour ton cheval, sois plus tendre ;
Vous êtes faits pour vous entendre.
Lui, la rue est son atelier ;
Ta blouse, à toi, c’est ton collier.
Du même cuir on vous harnache ;
Du fardier où l’on vous attache,
Vous haletez dans le brancard :
Viande à patron, viande à Macquart.
 
Pendant votre triste existence,
Tous deux, vous trimez d’importance.
C’est ton compagnon, ton copain
Et son avoine vaut ton pain.
Tes cheveux, comme sa crinière,
Blanchissent en la même ornière.
Vous vieillissez dans le brancard :
Viande à patron, viande à Macquart.
 
Quand vous succombez à la tâche,
Sous les yeux de la foule lâche,
Vos corps, de misère crevés,
Fraternisent sur les pavés.
On vous découpe, ou l’on vous scie :
L’équarrissage, ou l’autopsie,
Quand vous tombez dans le brancard :
Viande à patron, viande à Macquart.

6 mars 1888


Il s’agit aussi du 24e titre de la série de chansons de Jouy reprises dans le le journal d’Émile Pouget, Le Père Peinard après le décès du chansonnier. Parue ici dans la (2e série, nº 96, du 14-21 aout 1898).

Macquart (Désiré), est le nom d’un établissement d’équarrissage de chevaux à Argenteuil mai dont le siège est à Paris, rue du Vertbois.


Paru dans : Jouy, Jules. Chansons de bataille (Paris, Marpon & Flammarion, 1889, p. 54-55).

Paru aussi dans : La Révolte : organe communiste-anarchiste. — Paris : 1887-1894. — Année 4, suppl. litt. au nº 49 (22 aout 1891)

Paru aussi dans : Chansonnier de la révolution. — Genève : Le Réveil socialiste-anarchiste, 1902 (p. 58-59).