Les loups, les loups les plus féroces,Toujours gueule ouverte et mangeantLes mineurs, leurs femmes, leurs gosses,C’est la bande des gens d’argent.Nous moutons noirs du charbonnage,Nous saignons de ce long carnage.Gare là-dessous !Tous les Watrin du patronage !…Gare là-dessous !Les moutons vont manger les loups !Descendus vivants au sépulcre,Nous rampons dans l’éternel noir,Pour un bien misérable lucreQu’on n’est jamais certain d’avoir ;Ils nous tiennent par la famine,Et l’amende nous extermine.Gare là-dessous !Les crocs nous poussent dans la mine !…Gare là-dessous !Les moutons vont manger les loupsEux nous volent…, sur nous on lanceLes gendarmes, les policiers…C’est par légitime défenseQue nous devenons justiciers.Quand le Peuple exécute un traîtreEt le lance par la fenêtre,Gare là-dessous !Notre ennemi, c’est notre maître !…Gare là-dessous !Les moutons vont manger les loups !Il est bien temps de se défendre,Et nous ne serons pas les seuls :Les braves tisseurs de la FlandreSont las de tisser leurs linceuls.Le ciel est noir…, l’orage crève,La France ouvrière se lève :Gare là-dessous !Partout le clairon de la grève !…Gare là-dessous !Les moutons vont manger les loups !Oui, les dents et les faulx s’aiguisent,La masse aura gros à manger.Surtout ces loups qui se déguisentSous des vêtements de berger.Sur la finance féodalePlane une revanche fatale.Gare là-dessous !Tout nous pousse à la Sociale…Gare là-dessous !Les moutons vont manger les loups !
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La Revanche des moutons
Pottier, Eugène
Texte d’Eugène Pottier (Paris, 1886).
http://anarlivres.free.fr/pages/biblio/complements_texte/ChansonsBrunel.html#existence :
Watriner : Le 26 janvier 1886, lors de la grève des mineurs de Decazeville (Aveyron), le sous-directeur de la mine, l’ingénieur Jules Watrin, à l’origine d’une baisse des salaires, est défenestré. Il décèdera de ses blessures, devenant un martyr aux yeux des patrons et donnant naissance au verbe watriner pour se débarrasser des exploiteurs.
Paru aussi dans : Pottier, Eugène. — Chants révolutionnaires. — Paris : Dentu, 1887 (p. 220-222).
Paru dans Le Père Peinard, 2e série, nº 70 (du 20-27 février 1898).
Paru aussi dans : Pottier, Eugène. Brochon, Pierre (éd.). — Œuvres complètes. — Paris [France] : Maspero, 1966 (p. 167).