Quand de sa rouille lamineuseL’automne a jauni les forêts,Tirons une loupe vineuse,Allons-y boire et penser frais.Mais pitié pour la gorge sèche,Le verre vide et les sevrés.Buvons à nos copains en dèche,À la santé des altérés !Bienheureuses les dents qui mordent,À la saveur fraiche du pain.Mais combien d’estomacs se tordentDans les angoisses de la faim !L’herbe en poussant nourrit la viandeFumante en gigots parfumés.La table n’est pas assez grande.À la santé des affamés !Voyez les mondaines oisivesDans leurs plumages éclatants ;On taille leurs modes lascivesDans tous les rayons du printemps.Décembre leur tend ses fourrures,Quand des gueux gèlent demi-nus,Les pieds crevassés d’engelures.À la santé des mal-vêtus !Le code des classes avidesFerme la nature au verrou,Et ceux qui naissent les mains vides,Pour se pendre, n’ont pas un clou.Ils tètent le fiel de l’envie,De toutes les fanges souillés,On leur a filouté la vie.A la santé des dépouillés !Et ce grand vol se perpétueEn s’intitulant droits acquis.Mais il est temps qu’on restitue,Nous ne donnons pas nos acquits,Prends ta faulx, volé, prends la hache,Sus aux mauvaises volontés :On n’obtient que ce qu’on arrache.À la santé des récoltés !
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Santé fraternelle
Pottier, Eugène
Texte d’Eugène Pottier (Paris, retour d’exil, 1881).
Paru aussi dans : Pottier, Eugène. — Chants révolutionnaires. — Paris : Dentu, 1887 (p. 171-172).
Paru dans Le Père Peinard, 2e série, nº 67 (du 30 janvier-6 février 1898).
Paru aussi dans : Pottier, Eugène. Brochon, Pierre (éd.). — Œuvres complètes. — Paris [France] : Maspero, 1966 (p. 143).