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Le Monument de M. Thiers

Jouy, Jules


Texte : Jules Jouy (1887).


À mon ami Maxime Lisbonne

1
Thiers, qu’on croyait enseveli
Sous le mépris et le silence,
Sort des ténèbres de l’oubli
Et de son sépulcre s’élance.
Ses valets, devant lui ployés,
Ouvrent un temple à sa statue !
Comme dit Fernand Desnoyers :
Il est des morts qu’il faut qu’on tue.
 
2
L’homme de Deutz, de Transnonain,
Souillé du sang de tous ses crimes,
Redressant son torse de nain,
Pour piédestal prend ses victimes !
Il ne se peut pas qu’à Paris,
Ce scandale se perpétue.
Tant pis pour ses restes pourris !
Il est des morts qu’il faut qu’on tue.
 
3
Quelle honte ! l’homme de Mai,
Trônant, dans son apothéose,
Près du bataillon décimé
Des martyrs tombés pour la cause !
Peuple, tu ne souffriras pas,
Toi dont la voix longtemps s’est tue,
Cette insulte à ton fier trépas !
Il est des morts qu’il faut qu’on tue.
 
4
Il est des cadavres maudits
Dont le voisinage vous souille.
Le Champ-de-Navets des bandits
Convient à leur sale dépouille.
Quand la Commune reviendra,
Thiers, sur ta chapelle abattue,
En effigie on te pendra !
Il est des morts qu’il faut qu’on tue.

6 septembre 1887.


Thiers : Adolphe Thiers (1797-1877), le chef du gouvernement qui écrasa la Commune de Paris.

Fernand Desnoyers (1826-1869) : homme de lettres.


Paru dans : Jouy, Jules. Les Chansons de l’année [1887] (Bourbier et Lamoureux, 1888 (p. 277-278).

Paru aussi dans : Coulonges, Georges. — La Commune en chantant. — Paris [France] : Éditeurs français réunis (EFR), 1970 (p. 219-220).