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Joyeux drilles

Méric “Luc”, Victor


Texte de Luc [Victor Méric] (≤1901). Musique de Paul Saphir.


1
Las, fourbu, sous le fourniment
Dont le poids fait pencher sa tête,
Il va sur la route, clamant
Quelque chanson obscène et bête :
« Meunier, meunier, tu es cocu ! »
Mais il n’a pas l’air convaincu.
Traînant ses pieds, tirant son cul,
Il va, lamentable guenille…
Le soldat est un joyeux drille !
 
2
Le soir, flambant, bien astiqué,
Luisant sur toutes les coutures,
Il court chez quelque mastroquet,
Absorber d’affreuses mixtures :
« Beaucoup d’absinthe, s’il vous plaît ?
Très peu d’eau. » Quand il est complet,
Il dévide son chapelet
Et dans un ruisseau dégobille.
Le soldat est un joyeux drille !
 
3
Quand l’amour vient le chatouiller
Il sait où trouver sa pâture
Et va frapper, sans sourciller,
Guilleret, à la devanture
D’un boxons quelconque, au hasard.
La maquerelle, avec égard
Hospitalise le soudard.
Étant de la même famille.
Le soldat est un joyeux drille !
 
4
C’est surtout aux pays lointains
Qu’il peut s’en donner à cœur joie.
Pour lui, que de larges butins !
Chaque chose devient sa proie.
Il peut tout faire, impunément.
Il a tous les droits et vraiment
Il en use modérément
Quand il vole, assassine, pille…
Le soldat est un joyeux drille !
 
5
Cependant il ne faudrait pas
Qu’il manquât à la discipline ;
Si, parfois, il fait un faut pas ;
S’il se plaint ou s’il récrimine,
Ah ! c’est vite fait ! aussitôt
On vous jette l’homme à l’ousto.
C’est Biribi ! c’est le poteau !
En cinq sec, on vous le fusille !…
Le soldat est un joyeux drille !

Paru aussi in : Le Libertaire, 3e série (1899-1901), in nº 60 (9-16 février 1901).

Paru dans La Chanson aux chansonniers, nº 1 (1908).