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Le Soudard

Méric “Luc”, Victor


Texte de Luc [Victor Méric] (≤1900).


Au grand Proscrit, au Noble Cœur, au vaillant Poète… etc. etc. Paul Déroulède.

Qui donc, à travers le carnage,
Le sang, le meurtre, le pillage,
Promène partout l’étendard ?
Le soudard.
 
Qui donc, aux champs comme à la ville,
— Guerre étrangère ou bien civile —,
Apporte ses goûts de pillard ?
Le soudard.
 
Pour civiliser les sauvages,
Qui donc sur de lointains rivages,
Massacre tout sans nul égard ?
Le soudard.
 
Qui donc brûle, pille, extermine ?
Quel est l’être qu’on abomine,
Brutal, cruel, lâche,paillard ?
Le soudard.
 
Aux temps présents comme naguère,
Qui donc sait provoquer la guerre
À laquelle tous prennent part ?
Le soudard.
 
Mais quand vient l’heure, l’heure grave,
Où chacun se défend en brave
Qui donc trahit, capitulard ?
Le soudard.
 
Dans les salons et dans les fêtes,
Qui donc va faire des courbettes ?
Qui sait s’abaisser avec art ?
Le soudard.
 
Qui donc s’agenouille à la messe,
Aux vêpres ? Qui donc, à confesse,
S’aplatit aux pieds d’un cafard ?
Le soudard.
 
Avec des filles peu farouches,
Qui se livre à des trafics louches ?
Menteur, voleur, joueur, fêtard ?
Le soudard.
 
Et que lui faut-il toujours, même
Lorsque sonne l’heure suprême ?
L’or, le panache, le brocart,
Au soudard !

Hommage ironique à Paul Déroulède (1846-1914), fondateur de la Ligue des patriotes. L’un des principaux acteurs de la droite nationaliste.


Paru aussi in : Le Libertaire, 3e série (1899-1901), in nº 35 (29 juillet-5 aout 1900).