Au citoyen Mijoul.
J’attends une belle,Une belle enfant,J’appelle, j’appelle,J’en parle au passant.Ah ! je l’attends, je l’attends !L’attendrai-je encor longtemps ?J’appelle, j’appelle,J’en parle au passant.Que suis-je sans elle ?Un agonisant.Ah ! je l’attends, je l’attends !L’attendrai-je encor longtemps ?Que suis-je sans elle ?Un agonisant.Je vais sans semelle,Sans rien sous la dent…Ah ! je l’attends, je l’attends !L’attendrai-je encor longtemps ?Je vais sans semelle,Sans rien sous la dent,Transi quand il gèle,Sans gîte souvent.Ah ! je l’attends, je l’attends !L’attendrai-je encor longtemps ?Transi quand il gèle,Sans gîte souvent,J’ai dans la cervelleDes mots et du vent…Ah ! je l’attends, je l’attends !L’attendrai-je encor longtemps ?J’ai dans la cervelleDes mots et du vent.Bétail, on m’attelleEsclave, on me vend.Ah ! je l’attends, je l’attends !L’attendrai-je encor longtemps ?Bétail, on m’attelle,Esclave, on me vend.La guerre est cruelle,L’usurier pressant.Ah ! je l’attends, je l’attends !L’attendrai-je encor longtemps ?La guerre est cruelle,L’usurier pressant.L’un suce ma moelle,L’autre boit mon sang.Ah ! je l’attends, je l’attends !L’attendrai-je encor longtemps ?L’un suce ma moelle,L’autre boit mon sangMa misère est telleQue j’en suis méchant.Ah ! je l’attends, je l’attends !L’attendrai-je encor longtemps ?Ma misère est telleQue j’en suis méchant.Ah ! viens donc, la belle,Guérir ton amant !Ah ! je l’attends, je l’attends !L’attendrai-je encor longtemps ?
Paris, 1870.